En rendant publiques les lettres d’obladies du continent à Mohamed Bazoum, ancien ministre de la Justice du Mali, Geneviève Goëtzinger espère ressusciter l’attention sur son dossier de libération.
(Chartala, 20 euros). Des lettres signées par des personnalités du continent, issues du monde politique mais aussi des sphères juridiques ou culturelles, portent “témoin d’un soutien, d’un combat pour le droit” et non pas d’un “soutien politique” à l’ancien chef de l’État.
L’avocat malien revient sur les débuts de ce projet et sur les préoccupations que suscite l’entretien au pouvoir des militaires dans une zone où « les libertés publiques n’ont jamais été aussi restreintes, les droits aussi contestés, la liberté d’expression foulée aux pieds ».
Jeunesse africaine : Comment a émergé ce projet de collecte de lettres adressées à Mohamed Bazoum ?
Il y a eu des réactions positives, elle auraient été les clichés d’un dirigeant utilisé, à perpétuer les schémas politiques utilisés. C’était l’occasion pour nos amis de lui donner le visage qu’ils lui voyaient : Celui d’un dirigeant mauvais, corrompu et tyrannique.
C’était également un moyen de dénoncer sa séquestration, de dénoncer les conditions choquantes dans lesquelles il est retenu depuis plus d’un an et demi, avec son épouse, en violation totale du droit nigérien et des traditions africaines qui prévalent généralement.
Cet ouvrage exprime-t-il un appui politique à Mohamed Bazoum ?
Non, il n’y a pas que des hommes politiques parmi les 26 personnalités présentes. On compte aussi des hommes de loi, des figures de la culture, des écrivains, des journalistes… Et parmi les politiciens, il y a une représentation diversifiée de quels que soient leur affiliation.
Au Sénégal, Houna Ould Hadidala à Maurice, chaque fois il s’est agi pour moi d’un combat pour la justice. C’est toujours le cas aujourd’hui qu’il s’agit.
La mobilisation d’une partie de la communauté internationale en faveur de la libération de Mohamed Bazoum s’est rapidement éteinte. N’avez-vous pas le sentiment qu’il a été laissé pour compte par ses pairs et confrères ?
Ce ne doit pas être un abandon total, mais il semble que la colère et les denunciations fort véhiculées le 26 juillet 2022 aient été partiellement oubliées. Qu’est-ce qu’il reste aujourd’hui de cette vague d’indignation ?
Notre attention a été détournée de sa libération par ce dossier. Nous avons tellement discuté de ce sujet que le cas de Mohamed Bazoum a finalement été oublié. L’annonce de son départ de l’Alliance des États du Sahel de la Cedeao a seulement renforcé son sort tombé en disgrâce. C’était justement notre intention de rebattre le bal et de mettre en avant la situation difficile que vivent actuellement Mohamed Bazoum avec son épouse.
Selon quelles conditions ou circonstances pensez-vous pouvoir féliciter Nggoodh sur ses efforts ou ses victoires ?
Il y a au moins une chose qui est claire : les militaires sont méfiants. Et ce n’est pas sans raison. Ils se rappellent parfaitement la manière dont ils ont occupé le pouvoir et ils savent comment ils pourraient en être délogés. Pour eux, Mohamed Bazoum est une protection et presque une garantie. Nous voyons en fait, dans cette situation, une prise d’otage qui ne peut pas perdurer à l’infini. Les militaires installent actuellement un climat de non droit au Niger. Nous devons parler pour mettre fin à ces violations.
Mais comprenez-vous que certaines populations des régions sahéliennes aient senti le besoin de soutenir les régimes militaires, faute de détenir une confiance dans l’évolution de la gouvernance et suite aux décennies de corruption persistante ?
Les préoccupations à propos de la corruption et de la mauvaise gestion sont tout à fait justifiées, mais les propositions de solutions sont inappropriées. On observe actuellement que les détournements de fonds publics ont atteint un niveau extrêmement préoccupant, se déroulant maintenant sous le prétexte de préoccupations sécuritaires dont les financements échappent à toutes les règles et procédures, dans la plus grande opacité. Les libertés publiques ont atteint un niveau sans précédent de réduction, les droits n’ont jamais été aussi bafoués, la liberté d’expression a été piétinée, tout cela avec la complicité de la justice.
Vous décusserez une justice qui suit un ordre bien établi. En attendant, certains Maliens se réjouissent qu’il soit fait usage de poursuites judiciaires contre des hommes politiques pour des affaires de corruption…
Mais quels sont les arguments qui l’ont mené en prison, puisieving dehors ? Peut-être on ne l’a pas mis en détention provisoire pour une raison valable, ou alors il n’y avait pas de raison de le libérer.
Je soutiens que l’augmentation du nombre de cas judiciaires est un indice d’une instrumentalisation de la justice malienne par un régime qui utilise les tribunaux comme un moyen de coercition et de pression contre ses opposants.
Quelle est votre perception de ce divorce, lequel semble désormais inévitable ?
Comment une junte卖ilitiare tout à fait illégitime peut-elle utiliser son autorité sans la légitimité pour prendre de telles décisions au nom d’un peuple qui ne l’a pas choisi ni doté de pouvoir ? Et ceci sans consulter les citoyens malien ?
La Cedeao n’a pas toutes les gloires, c’est vrai. Mais au moins elle nous permet de nous déplacer librement, de pratiquer notre métier dans un pays ou un autre et de nous considérer comme des citoyens d’un monde commun.
Elle nous donne accès aux ressources énergétiques, permet la circulation de biens terrestres et maritimes, offre aux citoyens la garantie de reconnaître leur assurance de voiture au Mali en Bénin, au Togo ou au Burkina Faso. Elle facilite aux Sahéliens d’accéder à des postes internationaux sans que leur nationalité devienne un problème. Nous allons manquer de tout cela dorénavant.